~ Mémo-Histoire ~

~  Mémo-Histoire  ~

71 - L'Enclave de Llívia -

Llívia, nom officiel en catalan {langue romane des anciens territoires de la couronne d'Aragon, en Catalogne, dans la Communauté valencienne, aux Baléares, en Andorre & à Algherro en Sardaigne, issue du latin vulgaire introduite au II° siècle av. J.-C. par les colons romains), est une ville espagnole située en Cerdagne, dans la partie orientale des Pyrénées. Son territoire de 12,83 km² présente, depuis le traité des Pyrénées de 1659, la particularité d'être enclavé à l’intérieur du département français des Pyrénées-Orientales, à 100 km environ à l’ouest de Perpignan, et relié à l'Espagne par une route neutre {sans contrôle douanier} de 4 km. Elle fait partie de la province de Gérone & de la comarque {division territoriale, administrative, culturelle & économique en pays de culture ibérique & occitane} de Basse-Cerdagne. Sa population est passée de 941 habitants en 1900 à 1 536 en 2014, après avoir culminé à 1 665 habitants en 2011.

 

LLivia.PNG

 La carte de l'enclave de Llívia

 I - Sous l'Antiquité -

D'après la mythologie Grecque, Héraclès revenant de l'île d'Érythie, après avoir volé les taureaux du Géant Géryon, choisit ce lieu pour se reposer et y construire une ville, ce qui explique sa présence sur les armoiries de la ville. La légende ajoute que Pyrène, ayant été séduite par Héraclès, à son départ se serait enfuie de désespoir dans les forêts pour y être tuée par des bêtes sauvages. De retour, Héraclès lui aurait élevé un tombeau, dont on a fait les Pyrénées...

Vers 3 000 av. J.-C., Llívia, est nommée Kerre (chaîne montagneuse, ou rocher, mot venant de Kerretania, Ceretania, Cerdagne). C'est pourquoi, aux environs, ont été trouvés des haches en pierre polie & autres outils néolithiques, des poteries, des pièces de l’âge du bronze sur la colline du château de Llívia, & de la poterie du deuxième âge de fer à Dorres, ce qui atteste d'un peuplement ininterrompu depuis la fin de l’Âge de Fer.

Vers 200 av. J.-C., après la deuxième guerre punique, les Romains, progressant par la vallée de la Têt, arrivent en Cerdagne et s’installent sur cette colline, place stratégique pour l'époque, proche d'aquae calidae, source d'eaux thermales.

Un castrum {camp fortifié romain} y est édifié et l’ancienne Kerre devient la capitale de la Ceratania. Jules César la nomme alors Iulia Lybica et la place sous le droit latin, privilège réservé à un nombre réduit de villes. Devenue municipe, la ville est alors administrée sous le même régime juridique que celui de Rome, ce qui la situe autrement que comme une simple possession de conquête, ses habitants étant investis des mêmes droits civils que les citoyens romains. La ville tirerait son nom actuel de Llívia du nom de l’impératrice romaine Livie, épouse d’Auguste, et mère d'un mariage précédent, de Tibère.

En 116, la ville est détruite par une émeute ; entre 117 & 138, l'empereur Hadrien envoie une colonie pour la repeupler et la restaurer, d'où la présence sur les lieux de monnaies allant de l’époque de Jules César à celle de Septime Sévère, de poteries, d'éléments d'architecture, de céramiques sigillées, d'une nécropole & d'un probable temple, l'ensemble laissant penser que Iulia Lybica est alors une ville importante.

 

454px-Escudo_de_Llívia.svg.png

Les Armes de la ville de Llívia

 

II - Au Moyen-Âge -

Le Castrum Libyae, capitale de la Cerdagne, est une place forte très importante au temps des Wisigoths. Au VII° siècle, y éclate une forte émeute dirigée contre le pouvoir royal de Tolède, les rebelles ayant à leur tête le comte Pau, autoproclamé roi de la Septimanie & de la Tarraconensis, appuyé par les autochtones & les Francs du roi mérovingien Childéric II. En 672, le roi wisigoth d'Hispanie Wamba attaque la ville de Llívia et s'installe dans le château.

Au VIII° siècle, la région est conquise par les musulmans et Llívia devient Medinet-el-bab {la ville de la porte}. Cette ville est d'importance stratégique en ce qu'elle commande la présence arabe dans la Cerdagne et permet l’entrée dans la Francie occidentale dont les troupes musulmanes tentent la conquête en 721. D'ailleurs Mounouz, le gouverneur musulman de la province pyrénéenne, choisit Llívia pour siège lors de l’émeute qu'il fomente contre le pouvoir central de Cordoue en 730. C’est également à Llívia qu'il épouse Lampégie (ou Numérance, ou Ménine), fille d'Eudes d'Aquitaine, duc de Vaconie. Ils connaissent une fin tragique, Mounouz étant tué par ses coreligionnaires qui se méfient de ses relations avec les chrétiens, et Lampégie finit dans le harem du calife. Leur histoire a inspiré l’auteur catalan du XIX° siècle Victor Balaguer i Cirera, dans sa Historia de Cataluña y de la Corona de Aragón (1860-1863) & le musicien français Déodat de Séverac, dans Cerdaña, œuvre pour piano (1904-1911).

En 731, le Castrum Lybiae est de nouveau fortifié mais en 759, Pépin le Bref reprend la Septimanie, le Roussillon & la Cerdagne aux musulmans et en 815, Llívia devient la résidence du comte Frédol de Cerdagne.

En 1177, Alfons I fonde Puigcerdà qui devient la capitale de la Cerdagne ; quoique dépossédée du titre de capitale, par son château, Llívia conserve un intérêt militaire. En 1257, Jaume I le conquérant, accorde le droit de construire et d’habiter au bas du château, à condition de ne pas abandonner les maisons construites en haut de la colline. De 1276 à 1343, la Cerdagne passe dans les mains de son fils cadet Jaume II et fait partie du Royaume de Majorque.

Pendant le règne de Pierre IV le Cérémonieux, le viguier de Cerdagne, en vertu d'une disposition royale de 1351, continue d’habiter le château de Llívia même si elle n’est plus la capitale de la Cerdagne.

En 1345, le château passe aux mains de Guillem de So puis à celles de son fils, Bernat de So, comte d'Évol, en 1347. Le village compte alors 21 feux, soit 105 habitants. En 1360, le château appartient à Pierre de Baioles, puis en 1362, à Pons Descallar.

En 1462, à la suite du traité de Bayonne, le Roussillon est administré par la France et ses troupes occupent la Cerdagne ; en 1463, la révolte de Catalogne conduit Louis XI à annexer le Roussillon & la Cerdagne, sous la gouvernance de Jean de Foix, lieutenant du roi, puis de 1471 à 1491, sous celle de Boffille de Juge, chambellan de Louis XI.

En 1472, Jean II d'Aragon tente sans succès de récupérer le Roussillon & la Cerdagne, mais en 1473, les Français sont chassés par la population de Llívia ; dès 1474 les troupes de Louis XI attaquent la ville et récupèrent Llívia. En 1479, Louis XI achète le château de Llívia à la famille Descallar, le détruit, afin de garder ouverte l’entrée vers les royaumes espagnols en prévision de conflits.

 

ChateauLLivia.jpg

Le château de Llívia aujourd'hui

 

Par le Traité de Barcelone de 1493, Charles VIII cède le Roussillon & la Cerdagne à Ferdinand II d'Aragon et Llívia est restituée à la famille Descallar ; mais Llívia, sans château, ayant perdu son titre de capitale, est immédiatement mise sous protection royale et y reste régie jusqu'au XVI° siècle, sous l'autorité d'un maire et d'un conseil municipal.

III – À l'Époque Moderne -

En 1582, l’empereur Charles d’Allemagne & d’Espagne accorde à Llívia le titre de Ville. Par le traité des Pyrénées du 7 novembre 1659, négocié pour l'Espagne par Luis de Haro, et pour la France par le Cardinal Mazarin, traité mettant fin à la guerre franco-espagnole de 1635 découlant de la guerre de Trente qui a déchiré l'Europe de 1618 à 1648, la France annexe le comté de Roussillon, les pays de Vallespir, de Conflent, de Capcir ainsi que les bourgs et villages de l'est du comté de Cerdagne. Llívia étant convoitée par les 2 couronnes, par le traité de Llívia du 22 novembre 0860 la ville est laissée à l’Espagne.

IV – À l'Époque Contemporaine -

Le 26 mai 1866, pour clarifier le traité des Pyrénées de 1659, est signé le traité de Bayonne dont l'article 16 définit le périmètre et la possession de l’enclave de Llívia, le diplomate espagnol Miguel de Salba, se fondant sur le fait que le traité des Pyrénées de 1689 fait état de bourgs & villages et non de villes, et Llívia ayant été faite ville en 1582, reste désormais rattachée à l’Espagne avec le statut d'enclave, étant reliée à la ville espagnole de Puigcerdá par une  route neutre {sans contrôle douanier} de 4 km, situation favorable au développement des activités de contrebande...

Le 11 février 1939, à la fin de la guerre civile espagnole, en vertu des traités de Llívia du 22 novembre 1660 & de Bayonne du 26 mai 1866, le gouvernement Daladier ne fait aucun obstacle à l'occupation de l'enclave de Llívia par les autorités nationalistes.

 

La ville de Llivia.jpgLa ville de Llívia aujourd'hui



10/08/2017